INTRODUCTION
La restitution d'une partition du XVIe siècle ainsi que toutes les démarches de transcription sont généralement réglées par une lecture analytique et méthodique de la source. Quel que soit le corpus étudié, on est systématiquement confronté à l'imperfection de la notation ainsi qu'à sa gravure trop lacunaire.
La place du texte sous la musique dans les imprimés du XVIe siècle n'est en aucun cas idéale, mais elle est en général beaucoup plus claire et précise que celle souvent choisie au hasard dans les manuscrits du XVe, fussent-ils cependant très soignés. Les progrès de l'imprimerie n'ont pas apporté de véritables solutions, mais les limites techniques de celle-ci ne sont pas les seules responsables de cette imprécision. Cependant, certaines faillibilités des imprimés s'expliquent et nous permettent de mieux comprendre pourquoi une telle révolution ne peut encore résoudre des difficultés laissées au choix de l'interprète.
Les chanteurs, parfois virtuoses et parfois «chantres vagabonds», ne pouvaient apporter à leurs chants, malgré leur immense culture vocale, des solutions fabuleuses.
À la suite d'une période d'observations pratiques, nous avons choisi de confronter à la réalité historique, l'usage et la théorie, afin de mettre en évidence les paradoxes d'interprétations qu'ils avaient à assumer.
LA SOURCE
Introduction
Il est difficile d'aborder les problèmes que posent les éditions musicales dans leur intégralité car les sources sont d'une fiabilité variable. Les imperfections de place du texte étaient liées en partie à des lacunes techniques de l'imprimerie. Il semble aussi qu'elles révèlent un manque d'intérêt général pour la musique comme pour la prosodie. On peut cependant constater une évolution évidente dans la seconde moitié du XVIe siècle.
«L'examen diachronique de ces imperfections ou lacunes pouvait être à lui seul riche d'enseignement. [...] Or, on ne peut prétendre qu'il s'agit là d'une limite technique de l'imprimerie musicale à ses débuts : les manuscrits les plus soignés sont tout aussi imprécis.
C'est bien plutôt le signe d'une absence d'intérêt pour le domaine prosodique - tout au moins d'un manque d'intérêt qui se manifestera au contraire progressivement après les années 1550.»1
Imperfections : imprimeurs et modeles
Si les éditions musicales du début du XVIe siècle, de Petrucci, Moderne ou encore Attaingnant montrent un désintérêt très net pour le texte, celles de Le Roy et Ballard, de Gardano ou de Du Chemin, cependant plus rigoureuses, sont loin d'être parfaites. Pourtant, des efforts avaient été consentis (certainement sous le contrôle éditorial du compositeur Layolle, assistant de l'imprimeur) par Jacques Moderne 2 afin d'améliorer le placement du texte dans ces rééditions, comme d'apporter une autre lisibilité du texte en lui appliquant une typographie nouvelle, l'italique dans un corps plus petit 3. Mais cette écriture ne semble pas satisfaisante (problème de lecture à distance ?).
On essaie le plus possible de séparer les syllabes afin de mieux les répartir sous les notes - en particulier les syllabes finales -, comme dans l'exemple suivant :
- Motteti del Fiore III a 5, 1538
- Motteti del Fiore III a 5, 1542
5lors d'une collaboration à l'édition d'oeuvres de Carpentras (Auzias Genet) :
Un contrat passé par devant notaire règle minutieusement les conditions de cette impression.»6
En supposant que le modèle qui arrivait chez l'imprimeur n'était pas une copie rapide d'un mauvais copiste, on aurait pu retirer de cette manipulation supplémentaire un grand nombre d'erreurs répercutées dans l'imprimé. Malheureusement cette pratique était courante et on n'est pas actuellement en mesure de connaître son importance. La relation éditeur-compositeur était très mal définie et lorsqu'un compositeur donnait son manuscrit en main propre à l'éditeur, il n'était pas sûr qu'il fût suivi à la lettre. Nous avons connaissance d'un certain nombre de collaborations entre imprimeurs ou encore entre un imprimeur et un compositeur, mais cela ne semble pas véritablement avoir imposé un réel respect de l'oeuvre. À la Renaissance, les droits des auteurs 8 n'étaient pas encore protégés, et lorsque le manuscrit avait été acheté par un libraire, l'auteur bien souvent ne pouvait plus intervenir dans lapublication de son oeuvre. La propriété littéraire n'existait pas et les libraires avaient le droit de publier des manuscrits après avoir obtenu une copie sans que l'auteur ne soit consulté. On ne peut que difficilement mesurer les différences apportées à l'oeuvre entre ces deux étapes. Parfois les auteurs devaient s'engager à acheter une partie de l'édition pour des tirages à débit limité, de tels cas étaient fréquents, en particulier en ce qui concerne les compositeurs de musique9. Les mentalités évoluant, on constate dans certaines éditions de la fin du siècle, des demandes d'attention plus affirmées de la part des compositeurs, notamment en ce qui concerne le respect de leurs oeuvres, comme en témoigne la préface de Claude Le Jeune dans l'édition des Mélanges, C. Plantin, Anvers, 1585. L'auteur, très sollicité pour ses oeuvres remarquables, nous confie ses craintes :
«Mais craignant qu'on me les eust imprimé sans mon sceu, en quoy faisant il s'y fust (sans aucune doubte) commis beaucoup de faultes :» (Cf. Facs n° 1)
Il est évident que C. Le Jeune, compositeur consciencieux, devait fournir des épreuves très fiables de ses compositions. Le «Privilège» qui suit cette préface nous rend compte des difficultés pour un imprimeur de maîtriser la contrefaçon de ses publications. Le préjudice ainsi provoqué ne semble être que d'ordre commercial et non plus artistique : « esperant par apres cueillir quelque fruict de son labeur: duquel neantmoins il a esté le plus souvent frustré, à l'occasion que les autres Imprimeurs de cestuy nostre Royaume, si tost qu'ilz ont peu recouvrer quelques copies de sesdits livres, les ont faicts imprimer, vendre & débiter iceux : de sorte que continuant à ce faire ledict Plantin souffriroit une tresgrande perte, ...» (Cf. Facs. n° 2)
On trouve souvent des oeuvres rééditées chez un nouvel imprimeur sous de faux noms de compositeur afin de déguiser un délit portant atteinte aux droits des privilèges. Afin de ne pas décevoir les clients, les oeuvres choisies pour une édition devaient être «nouvellement imprimées». Mais les chansons et les thèmes connus figuraient depuis longtemps dans les publications de l'imprimeur Attaingnant, elles étaient donc protégées par le fameux «privilège du roi». Dans une édition de Du Chemin, le Second livre de 1549, une pièce de Pierre Certon a été éditée sous le nom de Du Four. L'éditeur de musique, Regnes, responsable du choix des oeuvres, ira même jusqu'à modifier la musique pour camoufler le crime 10.
Imperfections : le typographe
Une autre faiblesse réside aussi dans le travail du compositeur (ou typographe) de l'imprimerie. Son travail consistait en effet à prendre les caractères un à un dans un grand casier de bois très plat, la casse, subdivisée en une série de petites cases, les cassetins, affectés chacun à un signe typographique déterminé. Il devait en suite les placer dans le composteur11. Toutes ces manipulations nous paraissent aujourd'hui très délicates et devaient imposer à l'ouvrier une dextérité et une assurance telle que ses gestes, devenus automatiques, étaient certainement épuisants et sûrement cause d'erreurs. De plus on sait qu'il travaillait assis devant une casse très basse, à peine inclinée et montée sur tréteaux. Ce n'est que dans la seconde moitié du XVIe siècle que la casse prendra une position proche de celle que l'on trouve actuellement et que le compositeur travaillera debout 12. On ne doit pas négliger cette progression technique dans notre étude même si l'édition musicale qui ne comporte que peu de texte reste l'édition la moins affectée. La reconnaissance des caractères par ce même ouvrier lui demandait un geste rapide et sûr : «De nos jours par exemple le compositeur peut, lorsqu'il prend une lettre dans la casse, discerner au simple toucher, grâce à un cran creusé sur la face supérieure du caractère, le sens de ce caractère et, par conséquent, l'intercaler dans le composteur sans être obligé d'en regarder l'il pour éviter de le placer à l'envers. Or, les anciens caractères parvenus jusqu'à nous et les traces laissées par des types qui se sont couchés sur les pages de certains ouvrages, au moment de l'impression, nous prouvent que ces types du XVe siècle n'avaient généralement pas de cran - et donc que le composteur devait, dans certains cas au moins, examiner l'il des caractères avant de les aligner sur le composteur.»13
Les lettres u ou n étaient souvent inversées car elles étaient un même signe typographique retourné. Mais la fréquence des erreurs de ce genre semble faible si l'on songe à la concentration que cette manipulation devait demander. Les corrections apportées au texte dans l'édition musicale sont rares en ce qui concerne les fautes typographiques et la place du texte14. Les corrections connues faites après l'impression ne concernaient sans doute que la musique. On peut donc supposer que le compositeur d'imprimerie15 ne pouvait accomplir qu'approxi- mativement la copie à l'identique du modèle, sans se préoccuper de bien mettre le texte sous les bonnes syllabes. Nous savons combien il est difficile parfois de comprendre les différentes calligraphies sujettes elles aussi à des imprécisions (chaque écriture est comme une codification unique loin d'être irréprochable).
La disposition des caractères dans la casse pouvait changer suivant la langue imprimée, mais le latin était encore une référence internationale pour les imprimeurs. Ceux-ci devaient sans doute être plus tourmentés par la qualité de la typographie musicale que par celle du texte ainsi que par les différents moyens d'imprimer la musique. Mais ils n'échappaient pas à la pénurie de caractères. Le nombre de fontes nécessaire à la composition était limité.
Imperfections : des solutions ?
Les imprimeurs étaient obligés de mettre sous presse toute forme aussitôt composée, pour récupérer plus vite les caractères, de sorte que l'auteur consciencieux ne pouvait exécuter les corrections qu'en cours de tirage. C'est là, peut-être, une explication de la présence, à l'intérieur d'une même édition, d'une infinité de variantes. Les cahiers de musique (souvent par quatre : superius/altus/tenor/bassus) étaient produits dans l'ordre des voix, de la plus aiguë à la plus grave. Il n'est pas rare de trouver des problèmes de place du texte dans une Prima pars résolus dans la Secunda pars ou même dans les différentes parties imprimées séparément (Altus, Tenor, Bassus, etc.).
Ex. n° 1 : Contratenor et Bassus du motet «Levavi oculos meos», 2a pars, fol.3, Cadeac, P, Excellentissimi Moteta, Liber Primus, Paris, Le Roy & Ballard, 1555.
On voit apparaître clairement une solution dans la partie de Bassus qui nous permet ensuite d'uniformiser la prosodie dans les autres voix. La correction apportée n'apparaît que dans la musique où la notation noircie fait ici figure de ligature et nous indique la place du texte : neque luna per noctem.
La césure proposée par l'édition dans la partie de Contratenor n'est pas correcte.
Il faut donc toujours penser qu'une lecture comparée et attentive de toutes les voix apporte souvent les premières solutions. Encore faut-il ne pas tomber dans le piège des indications fortuites ou erronées.
Parmi les problèmes posés par le texte, on trouve celui de l'encombrement typographique des mots ou des phrases. On ne sait pas si les raccourcis utilisé sont ceux indiqués dans le modèle. On ne peut donc pas affirmer que l'utilisation des ligatures et des abréviations dans le milieu du XVIe siècle est encore liée au désir d'imiter les écritures manuscrites16. L'abandon progressif de cette pratique au profit de la simplification et de l'uniformisation sera une des premières manifestations de l'évolution de l'imprimerie. On constate parfois, dans les éditions musicales, un abus dans l'utilisation des abréviations. Il ne s'agit pas d'un refus de clarté et d'évolution, mais bien plutôt d'un outil capital à la gravure permettant un posi-tion-nement des textes plus satisfaisant. C'est pourquoi les casses chez les imprimeurs de musique étaient jusqu'à la fin du XVIe siècle remplies de caractères imitant les ligatures et abréviations des manuscrits anciens, une manière aussi de rendre hommage à l'art fabuleux des copistes. Cela permettait de placer entièrement sous une phrase mélodique le texte qui lui correspondait avant de faire intervenir les signes de répétition comme ij ou ¶ etc.
Imperfections : des incongruités
Mais les éditeurs ne prenaient pas toujours en compte les réper cussions de ces imperfections à la lecture. On voit apparaître par exemple différents formats de cahier et différentes tailles de caractères qui ne sont pas systématiquement proportionnés. La musique polyphonique profane chantée «à la table» se présentait généralement sous forme de petits cahiers avec de petits caractères. La musique religieuse dans l'actio canendi, chantée «au lutrin», devait être éditée dans un grand format avec des caractères plus gros afin que les chanteurs puissent lire à distance. Mais ces éléments n'étaient pas toujours respectés par les imprimeurs. On trouve par exemple à Genève des éditions polyphoniques de format 16° oblong, appelées minima forma17.
«Quelques incongruités apparaissent entre les dimensions relatives du format et du caractère utilisé. Ainsi avant 1545, les livres de choeur imprimés par Moderne emploient le même caractère que ses éditions 4° oblong, évidemment trop petit pour être lu de loin.»18
Ce type de comportement dénote un désintérêt certain des imprimeurs pour les interprètes ou pour leur confort. On peut bien sûr supposer que l'éducation des chanteurs était à la hauteur des difficultés engendrées par cette indifférence. On sait pourtant que certains imprimeurs travaillaient dans un milieu intimement lié au monde musical, comme c'était le cas pour Le Roy et Ballard 19. Mais le commerce des livres comme celui des caractères restait plus important que la qualité des éditions, dans un marché complexe qui malheureusement laisse à notre siècle bien des difficultés à résoudre.
LES CHANTEURS
Introduction
Comme nous venons de le constater, les imprimés de la première partie du XVIe siècle sont très peu rigoureux. C'est pourquoi ils rendent difficile la démarche du musicologue-éditeur moderne1. Celui-ci, afin de pouvoir restituer cette musique, doit rester en intime relation avec la pratique du chanteur.
«... dans le domaine de la musique ancienne, la musicologie doit apporter aux musiciens des éditions musicales en fonction d'une réalisation.» 2
Cette association légitime entre musique, interprètes et chercheurs apparaît aujourd'hui évidente car nécessaire. Mais, dans la réalité, elle reste trop souvent secondaire et parfois confuse.
«Entre la partition, le musicologue-éditeur et le musicien, il est nécessaire de redéfinir les rôles, dans le processus qui nous conduit d'une notation à sa réalisation sonore. Il est certain que dans cette répartition des tâches, le musicologue éditeur tend à accaparer aujourd'hui des prérogatives qui appartenaient autrefois aux chanteurs : parmi elles, les choix en matière de place de texte et de musica ficta, par exemple.» 3
Afin de mieux cerner les pratiques en usage, nous penson s qu'il est fondamental de systématiser l'étude et l'approfondissement des différents comportements d'interprétation de l'époque.
Lecture rythmique
Le rythme est un concept complexe et polysémique et son activité qu'elle soit psychologique ou physique organise le geste, la parole, le son.
«Le rythme est dans le temps et il joue des durées sur le plan quantitatif et qualitatif. Mais l'accent apparaît d'autant plus nécessaire que l'art veut synchroniser les mouvements de plusieurs personnes ou qu'il cherche des effets affectifs.» 4
Ainsi, la géographie du texte sous la musique peut avoir par nécessité rhétorique l'aspect d'un schème où le sens musical serait indissociable du sens littéraire.
Aspect du discours
Le discours musical est un ensemble organisé de phrases (de mélodies), où se côtoient des arguments types, des procédés, des lieux, des figures de style ou encore la diction. C'est un système. On y retrouve aussi le paradoxe de l'art et de la théorie, où l'un peut faire disparaître l'autre par simple contradiction. Soit les procédés sont inconscients, soit la méthode est consciente, transmise et enseignée.
L'étroite relation qu'entretiennent musique et rhétorique s'impose conformément aux lois de l'affect, car il faut instruire, émouvoir et plaire :
«... le musicien, fidèle aux lois du chant et de la modulation, exprime tour à tour avec élévation, avec douceur, avec calme, les sentiments nobles, agréables ou modérés et s'applique à bien peindre les sentiments renfermés dans les paroles.»6
Doit-on convaincre par l'opposition d'un artifice maladroit à l'artifice maîtrisé, un auditoire particulier ou bien un auditoire universel ?
Si, malgré le lien conjugal entre la beauté et la vérité, le discours musical se doit d'être intelligible, sa mission n'est peut-être plus de susciter l'admiration, mais biende susciter la persuasion.
Il est évident que nous ne pourrons pas entrer ici dans le détail d'une question que l'on devine fort complexe : l'extraordinaire phénomène du chant liturgique. Son esthétique véhicule un sens profond de l'équilibre, ancré depuis des siècles dans une culture. Le chant grégorien aura aussi sa décadence, elle sera provoquée par diverses causes logiques. Il est clair que le manque de lisibilité des manuscrits est en partie responsable de ce déclin inexorable, et l'on doit admettre que les négligences, les fautes commises par les copistes sont comprises dans l'héritage.
L'abandon progressif de la vie liturgique participe certainement davantage à la décomposition du chant grégorien aux XVIe et XVIIe siècles. Les maîtres musiciens et métriciens étaient des moines, «tous possédaient à fond la science pratique des mélodies, science acquise pendant les longues heures de lectures, de psalmodie, de chant passées au choeur de leur église dans l'exercice de la louange divine» 7. C'est évidemment par une fréquentation assidue du répertoire que les chantres inscrivent dans leur vie sonore, figures mélodico-rythmiques et mots.
La connaissance actuelle de la pratique des chanteurs aux XVe et XVIe siècles est encore mal connue, et l'apport des théoriciens dans ce domaine n'est pas suffisamment précis pour nous permettre de faire une étude exacte de leur attitude 8. Ils ne fournissent que très peu d'informations sur les pratiques de placement du texte par les chanteurs de l'époque. L'étude comparative des différentes pratiques, en analysant la place du texte dans des manuscrits contenant les mêmes pièces, n'est pas toujours très concluante, car les chanteurs devaient l'ajouter ad libitum 9. Dans la musique liturgique, ou para-liturgique, dont la mélodie est fondée sur un cantus prius factus, on peut résoudre certaines énigmes à partir de la connaissance de la place du texte de ce même cantus prius factus dans une version plus ancienne.
Mais nous devons toujours penser que le compositeur pouvait modifier volontairement l'état initial 10 de celui-ci, et imposer des choix dictés par le contrepoint.
Les figures de ligatures apparaissent ainsi comme des points d'ancrages mélodiques qui nous permettent de bien restituer le texte lorsque le contrepoint est plus orné, comme dans l'exemple suivant:
Ex. n° 2, Comparaison du plain-chant « Inviolata, in tegra »11 et du motet de P. Cadeac12, Inviolata integra, superius :
Les véritables responsables du résultat sonore sont les chantres, les chanteurs, ceux qui décident de placer judicieusement le texte lorsque celui-ci n'est ni précis ni bon, voire lorsqu'il est totalement absent. Ils dirigent le sens de la polyphonie et l'ajustement de celle-ci au degré de solennité du cérémonial qu'ils ont à accomplir. Ils sont responsables de l'actio canendi dans la logique fonctionnelle de la musique.
L'Ars benedicendi dans le cérémonial
La notion de cérémonial est généralisée à un code comportemental et on oublie trop souvent que la musique religieuse du Moyen Âge au XVIIe siècle trouve sa fonction dans la liturgie. L'éducation vocale des chantres n'a pas toujours été une priorité fondamentale à l'inverse de la dévotion et de la foi qui de vaient émerger de leurs chants. Ce rôle religieux du chantre s'impose réellement pendant le XVe siècle. L'exemple suivant nous permet de mieux comprendre l'intérêt de cette fonction. Le duc Jean V (1399-1442) de Bretagne créa un office de chantre dans la collégiale de Lambelle par un mandement 13 fait à Vannes en 1438 : «ordonnons une dignité qui ayt le nom de chantre et qui porte la charge de livrer les leçons à matines et vigilles de morts, commander les antiennes, répons et allélluyes, et aultres choses qui seront à faire et à dire en ladite église, tant en chur que en processions où sera ledit collège.
Avons au jour d'huy fondé pour durer à jamais en perpétuel, un collège de six chapelains qui seront chantres ydoines et suffisants. Cette dignité sera appelée la chanterie de ladite église et collège, et celui qui la tiendra sera appelé chantre. Même aura la charge de montrer et apprendre aux jeunes choristes jusques au nombre de quatre enfants, leur plain chant et en outre l'art de la musique, au mieux que faire le saura et le pourra. Et en outre assignons à notre bien aimé et féal chapelain sire André Guillard, l'un des chanoines dudit collège, ladite dignité et chanterie.».
Les méthodes d'apprentissage, les ouvrages contenant les secrets de la musique se multiplient, mais ne traitent que des questions complexes comme les proportions, les divisions de monocorde ou encore des modes, la solmisation ; ils sont empreints de «Boethius» et de «Guido D'Arezzo». Néanmoins, quelques théoriciens tendent à replacer l'art du bien chanter à sa bonne position, celle, fondatrice d'une uvre vocale exceptionnelle.
Johannes Gallicus (ou Johannes Legrense) est peut-être l'un des théoriciens du XVe siècle qui influença le plus les traités du XVIe, car on compte parmi ses élèves Burtius et Gaffurius qui, à leur tour, pèseront sur Tinctoris et peut-être Lanfranco. La forte émergence d'une culture vocale nous paraît incontestable, elle sera certainement nourricière de toute l'uvre vocale du XVIe siècle. Gallicus fait l'apologie de cet art du chant dans ce court passage que nous avons extrait de son opuscule «Ritus canendi vetustissimus et novus, liber tertius»14 :
«Chapitre 12
Grande est la distance entre musicien et chanteur.
Maintenant que la première partie de cet opuscule est achevée, il m'est permis de discuter un peu avec nos chanteurs de la différence entre chanteur et musicien, et d'expliquer en quelques mots dans quel but j'ai écrit tout cela. Car si tu veux qu'il n'y ait aucune différence entre chanteur et musicien, tu dois de la même manière avouer que tout musicien est chanteur par voie de conséquence, et ainsi tu avouerais que tout chanteur est musicien, ce qui n'est pas logique, mais très faux. Si donc tout chanteur était musicien, que dire de Philomène ? Son chant est beau, il orne admirablement ses voix, il mesure son temps, mais n'est pas musicien. De même donc que tous ceux qui récitent les paroles de Dieu ne sont pas théologiens, mais que le théologien doit savoir réciter les paroles divines, ainsi tout chanteur n'est pas musicien, bien qu'on ne soit pas un vrai musicien si l'on ne sait chanter.
Tout musicien est donc chanteur, mais tout chanteur n'est pas musicien. Sinon, non seulement les oiseaux, mais encore de nombreux animaux et insectes seraient musiciens, et les très nombreux enfants qui chantent dans les églises, mais aussi un nombre infini d'ignorants de par le monde entier. A ce sujet, on dit habituellement sous forme de proverbe : le musicien est au chanteur ce que le juge est au héraut : le hérault proclame les décrets du juge, et les prononce sans savoir pourquoi ni comment ils sont faits, alors que le juge sait tout. Semblablement le chanteur ne fait que chanter, et ignore ce qu'il chante, mais le musicien distingue et discerne tout. Quoi donc ? Nos chanteurs d'aujourd'hui ne sont pas musiciens ? Mais ils exécutent lascivement à longueur de journée d'inutiles nouveaux chants en six syllabes et douze lettres, en cinq ou six notes, en chiffres variés et divers signes et caractères, ils imaginent tant de sottes inventions dans leurs proportions qu'ils ne comprennent pas. Et bien sûr ils savent fabriquer le plus souvent des chants, qu'ils appellent mesurés, si pleins de chiffres et de nouvelles fantaisies, que ceux mêmes qui les ont faits ne peuvent tout au plus énoncer valablement, qu'ils louent néanmoins, se glorifiant d'une si piètre chose, comme s'ils avaient accompli quelque chose de grand. Quelle est donc votre démence, chanteurs ? votre science si noble sera soumise à des chiffres? Pourvu que non.
Chantez, je vous prie, chantez. Ornez les voix autant que vous voulez, excogitez chaque jour de nouvelles chansons suaves et argentines, divisez les temps en longues, brèves, semibrèves et minimes. Car quand vous saurez tout cela parfaitement, et rien d'autre, vous serez je ne dis même pas : des musiciens, mais non plus de vrais chanteurs.»
«Capitulum XII.
Grandem esse distantiam inter musicum et cantorem. Expleta tandem hujus opusculi parte prima libet paululum de differentia cantoris et musici cum nostris conferre cantoribus et ad quod hæc omnia præscripserim paucis verbis explanare. Nam si velis esse nullam cantoris et musici differentiam, necesse est, ut quemadmodum te fateri cogit omnem musicum esse cantorem vera consequentia rerum, ita fatearis quemcunque cantorem esse musicum, quod non est consequens sed falsissimum. Si sit enim oÐmnis cantor musicus, quid de Philomena dicendum ? Pulchre canit, voces mirabiliter frangit, metitur tempus, tamen non est musicus. Quemadmodum ergo non omnis eloquiorum Dei recitator theologus est, attamen theologum opportet esse verbi divini recitatorem, sic et non omnis cantor musicus est, quamquam verus non sit musicus, quicunque canere nescit. Omnis ergo musicus cantor sed non omnis cantor musicus. Alioquin non solum aviculæ sed bestiæ et bestiolæ multæ musici forent aut cantantes per ecclesias infantes plurimi sed et idiotæ per universum mundum infiniti.
De quo solet in proverbio dici: Sicut judex ad præconem, sic musicus ad cantorem; præco namque decreta judicis proclamat et enunciat cur et quare fiant nesciens, judex autem omnia novit. Cantorque similiter tantum cantat et quod cantet nescit, musicus vero totum dijudicat et discernit. Quid ergo ? Musici non sunt hodiernis temporibus nostri cantores ? In sex sillabis et duodecim litteris in quinque vel sex notulis, in variis cyfris ac diversis signis et caracteribus novos tota die cantus lascivose vanos exequentes totque stultas adinventiones in suis quas non intelligunt proportionibus phantasticantes. Quippe qui novunt cantus, quos mensuratos appellant, cyfris ac novis phantassiis adeo plenos sepius fabricare, quod nec ipsi, qui fecere, valent illos ut plurimum enuntiare, quos nihilominus laudant, in re tam vilissima, quasi magnum quod egerint, gloriantes. Quænam hæc vestra dementia cantores ! Numquid hæc tam nobilis scientia vestris erit subdita cyfris ? Absit. Canite quæso, canite. Voces quantum licet frangite, novas quotidie cantilenas suaves et tinnulas excogitate, tempus circa longas breves semibreves ac minimas consumite. Nam cum hæc omnia perfecte nec aliud noveritis non dico quidem musici, sed neque veri cantores estis.»
Cet art du bien chanter vise à éduquer un clergé qui refuse le latin rustique, sans accent, sans distinction. Cela aurait pu sonner les prémisses d'une reconquête de la dignité du chantre, mais il semble plutôt que ce fût l'amorce de sa décadence inexorable.
De la théorie à la formation
La musique, depuis le Moyen Âge, devait nécessairement s'inscrire dans un cadre philosophique et spéculatif. La naissance de la polyphonie improvisée a provoqué des changement fondamentaux dans l'univers musical des chantres. Ces bouleversements vont transformer les notions de contrepoint improvisé et donner à la polyphonie ses premières formes.
C'est jusqu'au milieu du XVIe siècle que la mélodie préexistante (le plain-chant) sera l'autorité commentée en terme musicaux. La dichotomie entre musica speculativa et musica pratica s'impose d'elle-même et provoque une fracture irréversible entre l'aspect rhétorique et l'aspect mathématique de l'art musical.
Malgré les doutes sur la véracité de ses assertions, nous
nous sommes intéressé au théoricien Adrien Petit Coclico et à son ouvrage Compendium Musices 16 de 1552. Rien ne prouve la valeur ni de sa pédagogie, ni de son discours et cependant ils nous paraissent refléter une certaine authenticité. Le ton de son propos est loin d'être aussi humaniste que celui des théoriciens précédemment cités. Il se peut qu'il ait tout simplement observé le travail d'un maître de chapelle et qu'il s'en soit inspiré, mais il y a
une énergie naturelle qui ressort de cet essai, empreinte d'une expérience professionnelle sans équivoque. Ses propos correspondent à l'exigence didactique de sa fonction et justifient la façon dont il procède. Cette école de composition, comme elle est décrite, favorise l'ordre d'apprentissage et impose la pratique et le chant avant toutes autres démarches créatives. C'est le moyen le plus connu (encore à ce jour) utilisé pour développer les bons réflexes dans les disciplines de l'écriture polyphonique et du contrepoint improvisé.
Nous avons retenu les phrases17 les plus significatives d'une pratique élargie d'un travail basique et fondateur. Lorsqu'Adrien Petit Coclico précise «et quamlibet syllabam suo in loco, suis sub notis collocare» 18 , il s'agit pour lui à travers la solmisation d'évoquer le respect du texte et du plain-chant, lui-même enrichi de notes de transition. Mais ce qu'il veut démontrer, c'est que le plus important est de maîtriser l'Ars canendi et de bien saisir ses critères esthétiques.
«Le chanteur veillera d'abord à charmer les oreilles des gens et à leur ménager du plaisir en chantant, mais à se ménager pour lui-même admiration et faveur. Il ajoutera toujours le jugement de sa propre oreille. L'oreille comprend en effet ce qu'on fait de juste ou de faux et est le guide du véritable art du chant. Quelle différence y a-t-il, je vous prie, entre un chien qui aboie et celui qui n'écoute pas et n'observe pas ce qu'il chante et comment il le chante?
Il faut éviter les défauts de certaines nations et, s'ils se trouvent en nous, y remédier par le travail et les efforts. Un cri fou, un mugissement immense et cette discordance dans la voix de certains hommes ignorants manquent de grâce. Parce qu'en pleurant, hululant aboyant ou encore en jubilant avec excès, ils ôtent tout le plaisir aux auditeurs et se privent eux-mêmes de gratitude. Mais le chant agréable atteint presque le but que le musicien recherche et poursuit, qui est évidemment de charmer et égayer. C'est pourquoi celui qui est conduit par un zèle particulier pour l'art du chant doit se proposer un exemple noble de quelque illustre musicien dont il imite et exprime la composition, la prosodie et les qualités.»
Les exigences principales de Petit Coclico sont de bannir les excès et de contrôler la qualité de ce que l'ont produit. Le mot «pronontiatio», traduit ici par «prosodie», nous rappelle que la musique (Quadrivium) se situe au même nivaux d'émulation que la rhétorique (Trivium) dans le principe des arts libéraux. L'Ars benedicendi redonne au chantre sa dignité 19. Ces arts sont du ressort de l'intelligence, de l'esprit. Il ne s'agit pas de don, mais il s'agit de la maîtrise de soi. La méconnaissance actuelle des traités pédagogiques et l'absence de règles écrites dans ce domaine sont dues en partie au type d'enseignement, majoritairement de tradition orale. Celui qui est dispensé dans les universités de France propose un savoir musical sous l'argument de science mathématique. Il nous semble vraisemblable que ces deux milieux se côtoyaient et s'influençaient. L'éducation par le chant provoque une libération du langage (extériorisation) qui produira d'excellentes compositions par la maîtrise du langage (intériorisation), mimétique ou original. La répétition par imitation permet de générer les différents termes ou syntagmes compositionnels nécessaires à l'élaboration d'un style propre à l'élève.
Ce que nous ne savons pas, c'est si Adrien Petit Coclico a réellement été l'élève de Josquin Desprez. Mais peu importe, son attitude n'en est pas moins respectable et légitime lorsqu'il reproche sans aucune concession aux théoriciens («Mathematici », ironie péjorative) de s'approprier le rôle du professeur. Il prétend que «leurs débats nombreux et interminables» nuisent à la formation des élèves. Mais pour nous c'est important de constater que cette remarque implique une concertation scientifique (ou plutôt théorique) susceptible d'apporter des solutions ou plutôt des différends, sans syncrétisme réel. Il cite entre autre les noms de I. Ghiselin, J. Tinctoris, F. Gaffurius, qui ne sont pas les théoriciens les moins réputés!
Lignes 16 à 23 : «Dans le troisième groupe il y a des musiciens très remarquables et presque les rois des autres, qui ne s'arrêtent pas à l'enseignement de l'art, mais joignent très bien et avec science la théorie et la pratique, qui comprennent les qualités des chants et toutes les parties essentielles des compositions, savent vraiment orner des cantus et exprimer en eux-mêmes tous les sentiments universels, voient ce qu'il y a de plus haut et de plus élégant dans la musique.»
«et vere sciunt cantilenas ornare» 20 est ce qui résume le mieux l'idéal de cet homme. Les problèmes pour restituer le texte sous la musique sont plus fréquents et plus complexes dans la musique figurée que dans le plain-chant. Cette seconde partie du Compendium Musices traite plus particulièrement «De musica figurali». L'art de bien chanter le texte sous les bonnes notes devient la clef d'apprentissage d'un style plus prolixe. Le discours d'Adrien Petit Coclico se fait plus démonstratif et n'allège en aucun cas les lacunes techniques des chanteurs. Il regrette querelles et discordes des musiciens mathématiciens, et cherche à développer l'idée d'une étroite collaboration entre la création et la compétence scientifique (artistique) afin de ralentir toute sorte de spéculation musico-théorique cause principale du dysfonctionnement de l'apprentissage.
Lignes 1 à 19 : «Mais que les jeunes appliquent toutes les forces de leur esprit à chanter avec élégance et à placer le texte à sa place, parce que la musique a été créée par Dieu pour chanter agréablement, non pour rivaliser ; et le vrai musicien, ou celui qui est considéré comme tel, n'est pas celui qui sait bien jaser et écrire sur les nombres, les prolations, les signes et les valeurs, mais qui chante avec science et douceur, appliquant à n'importe quelle note la bonne syllabe, et compose ainsi pour ajouter des mots joyeux à des rythmes joyeux et vice-versa.
Dans les villes de Belgique où l'on donne des récompenses aux chanteurs et où pour l'acquisition de ces récompenses tous les moyens et tous les efforts sont appliqués afin de parvenir au but de bien chanter, aucune musique n'est écrite ni répétée à qui mieux mieux. De même, mon maître Josquin Desprez n'a jamais expliqué ni écrit aucune théorie de musique et a cependant produit en peu de temps des musiciens achevés parce qu'il ne retenait pas ses élèves dans des enseignements longs et frivoles, mais enseignait en peu de mots la théorie, en chantant en même temps au moyen de l'exercice et de la pratique.»
Lignes 1 à 5 : «Lorsqu'il voyait qu'ils avaient acquis en une certaine mesure de l'aisance en chantant, qu'ils prononçaient bien, chantaient avec ornement, et plaçaient le texte au bon endroit, il leur enseignait les formes parfaites et imparfaites et la façon de chanter le contrepoint sur un plain-chant avec ces types de consonances.»
Nous pouvons supposer que la génération d'élève dont il est question, saura diffuser à son tour ce savoir. Le décalage temporel entre la date d'édition et les faits mentionnés (les compositeurs et théoriciens nommés ont en 1552 tous disparus), n'altère en rien le résultat pédagogique énoncé.
Lignes 8 à 19 : «Le sixième point qui est recherché chez le compositeur est qu'il assimile bien le texte, pour savoir quel ton ou quelle harmonie il exige, qu'il applique ledit texte de façon ornée à sa place, parce qu'ils tâtonnent encore plus que les aveugles dans les ténèbres ceux qui mettent des rythmes tristes sur des paroles consolatrices et pleines de joie ou inversement qui appliquent des mélodies joyeuses sur des mots tristes.
Le musicien commet également une grave faute s'il fait
correspondre une syllabe brève à une note longue parce que la musique a beaucoup de commerce avec la poésie, et je ne vois pas ce qui peut être plus regretté chez la plupart des musiciens belges que la méconnaissance de la quantité des syllabes.»
Adrien Petit Coclico pose tous les problèmes avec aisance et clairvoyance. Ce qui nous fait penser qu'il devait être très instruit et particulièrement fier de pouvoir mesurer et désapprouver les moyens des théoriciens comme des compositeurs. Ces quelques propos, nous font pressentir une incompatibilité grandissante entre la musique des nombres et la musique de l'affect.
En conclusion, nous retiendrons de cet opuscule qu'il tend à nous faire admettre l'efficacité de la méthode par la répétition orale et la nécessité de représenter fidèlement les deux moteurs fondamentaux d'un texte, son sens et son lieu (sous la musique). Ce principe systématique de travail se transmet par tradition orale d'une génération à l'autre en véhiculant une identité mélodico-rythmique propre à l'esthétique musicale du XVIe siècle.
LA THÉORIE
Introduction
La relation texte-musique dans la réflexion théorique du XVIe siècle a été déjà profondément éclaircie par le professeur Don Harrán. Ces travaux ont fait avancer d'une manière significative la question de la relation texte-musique et celle, qui nous concerne davantage, de la place des mots sous les notes. Son approche systématique et comparative des différents traités nous a permis d'aborder le sujet avec des acquis et des automatismes qui n'ont cependant pas altéré notre regard personnel. Les recherches de Don Harrán 1 sont de toute évidence une référence inestimable. Elles font suite aux études du professeur E. Lowinsky 2, pionnier et premier interprète du traité
De musica verbali de Stoquerus. Il développe ses recherches le plus souvent dans le cadre des principes d'édition 3, premier lieu d'investigation dans ce domaine. Il nous a paru raisonnable dans le cadre de notre étude de ne pas redire ou résumer ce qui a déjà été largement expliqué, mais de développer et d'ouvrir de nouveaux champs d'application en nous efforçant de toujours rester dans l'approfondissement des synthèses déjà formulées.
Lanfranco Giovanni Maria
Nous connaissons le plus souvent les théoriciens non seulement par leurs traités mais aussi par leur notoriété. Les quatre théoriciens qui nous intéressent plus
particulièrement sont diversement connus. Le plus ancien d'entre eux est Giovanni Maria Lanfranco. D'origine italienne, il naît à Terenzio vers 1490 et meurt à Parme en 1545. Il étudie la musique avec l'organiste Lodovica da Milano et aussi probablement avec Nicolaus Burtius 4, homme de religion et disciple du théoricien et humaniste Gallicus, lui-même chanteur et auteur d'un traité sur les habitudes du chant Libelli musicalis de ritu canendi vetustissimo et novo 5. Lanfranco a donc des références musicales significatives. Vers 1528, il devient maestro di capella à la cathédrale de Brescia où il fera publier deux de ses traités, Scintille di musica et Rimario di tutti (un troisième traité, Musica Terentia ne lui a pas survécu). Il sera en 1536 maestro di capella à Verona, mais il devra partir en 1538 à la suite d'un incident avec un enfant de choeur et s'enfermera dans un monastère Augustin près de Bergamo. Il mourra à Parme après avoir été de 1540 à 1545 maestro di cappella à St-Maria della Steccata.
Le Scintille di musica 6 est remarquable par sa clarté et sa présentation très détaillée des concepts théoriques basiques. Avec ses numéros de règles et ses suggestions d'exercices, ce livre manifeste un souci tout particulier à convenir aux débutants. On peut dire qu'il est le premier ouvrage du XVIe siècle à proposer d'une manière explicite des règles pour le placement des syllabes sous les notes en plain-chant, mais aussi et surtout en musique figurée.
Vicentino Nicolas
Ce compositeur et théoricien italien est né à Vicenza en 1511 et mort à Milan vers 1576. Particulièrement intéressé par l'étude théorique des genres diatonique, enharmonique et chromatique, Vicentino expérimente l'harmonie d'une manière très avant-gardiste. Son rôle sera fondamental dans l'anticipation de nombreuses innovations tardives.
En effet, Vicentino tend à libérer la théorie de son adhésion aux modes ecclésiastiques. Peu de choses sont connues sur ses premières années passées à Vicenza, mais il est évident que la proximité de Venise lui permet d'accéder à une éducation de qualité. Ainsi, il étudia peut-être auprès d'Adrian Willaert, dont il se réclame le seul et unique élève 7. D'abord maître de musique de la famille ducale d'Este, Vicentino sera ensuite en 1563 maestro di cappella de la cathédrale de Vicenza et mourra probablement de la peste à Milan en 1575-76. Sa célébrité repose en particulier sur son traité L'antica musica ridotta alla moderna prattica 8. Ce travail se divise en deux parties principales. La première, «della theorica musical», comprend un seul livre où l'intérêt est porté sur l 'examen théorique des genres. La seconde, «della prattica musicale» contient cinq livres par lesquels Vicentino lie la pratique musica le à la théorie. Il sera cité notamment par le théoricien Stoquerus 9:
«Ainsi, alors que le premier aspect peut-être appris en peu de temps, le
second aspect 10, sans la connaissance du premier, pourra difficilement être acquis par un étudiant de l'art musical à peine à la fin de sa dixième année, comme l'atteste Nicolas Vicentino»
«Itaque cum prima species non multo admodum tempore addisci queat, alteram priore nondum inventa, vix decimo tandem anno a musicæ artis studiosis percipi potuisse Petrus 11 Vicentinus testatur.»
Zarlino Gioseffo
Théoricien célèbre et compositeur d'origine italienne, Zarlino naît à Chioggia en 1517 et meurt à Venise en 1590. Son éducation commence à Chioggia où il sera d'abord chanteur (1536) puis organiste (1539-40). C'est en 1541 qu'il part pour Venise où il suivra l'enseignement d'Adrian Willaert. Il accède au poste de maestro di cappella à St Marc de Venise en 1565,
en remplacement de Cyprien de Rore démissionnaire. Il gardera cette fonction jusqu'à sa mort. Il joue véritablement un rôle prépondérant dans le milieu des théoriciens du XVIe siècle. Son traité Le istitutioni harmoniche 12 est l'un des travaux les plus importants de l'époque sur la théorie musicale. Les règles de contrepoints qu'il développe - certainement celles enseignées par Willaert - seront largement diffusées par ses élèves dans les générations suivantes. L'attention toute particulière qu'il porte à la relation du texte à la musique ainsi qu'au placement de celui-ci, en fait un traité très complet.
Il sera une référence pour d'autres théoriciens et en particulier pour Stoquerus 13:
«Zarlino, parmi d'autres, dit que ces préceptes à ce sujet son nombreux et spécialement nécessaires à la connaissance, il en a rassemblé un peu dans un chapitre. Voici ces mots dans ce chapitre : Afin d'éviter toute confusion dans l'attribution des figures aux
syllabes et aux paroles, et le désir de mettre fin, si c'est possible, à ce désordre, j'ai maintenant ajouté ces règles à celles que j'ai déjà données à ce propos. J'espère qu'elles serviront non seulement aux compositeurs mais aussi aux chanteurs. Voilà pour Zarlino.»
«Et inter alios Zarlinus multa huis rei prae cepta esse ait, maxime scitu necessaria, quorum ipse pauca quædam in unum caput collegit. Verba eius in eodem cap. 33 institutionum eius harmonicarum haec sunt : Accioche non intravenghi alcuna confusione nell' accordarle figure alle sillabe delle soggette parole, volendo io levare, s'io potrò, tanto disordine, oltra le date regole in diversi luoghi, che sono molte, accordate alle materie secondo il proposito ; porrò hora queste, le quali serviranno non solo al compositore, ma anche al cantore. Hactenus Zarlinus.»
Stoquerus Gasparus
Nous n'avons très peu d'informations sur la vie de Stoquerus. Celles que nous connaissons proviennent en partie de ses traités. Son nom est certainement d'origine germanique et devait être Kaspar Stocker. Sa période d'activité que nous lui connaissons correspond à l'année 1570 14, mais on peut imaginer que c'était à Venise qu'il résidait auparavant, car ses influences musicales proviennent de Willaert et mais aussi Zarlino. Il sera ensuite amené à travailler auprès de Francisco de Salinas, enseignant depuis 1567, à l'université de Salamanque. Stoquerus devra rédiger des traités pédagogiques à sa demande afin de former en particulier un jeune étudiant à la solmisation. Plus connu comme poète 15 que théoricien ou musicien, il nous laisse donc trois traités non publiés et réunis dans un seul manuscrit, le Codex 6486, découvert à laBiblioteca Nacional de Madrid en 1959 par le professeur Paul Oskar Kristeller 16. Celui-ci n'est pas semble-t-il un manuscrit autographe, la mention
Cætera desiderantur 17à la fin du chapitre 31 du De musica verbali l'atteste. Ce manuscrit se compose de trois parties distinctes par leur sujet. La première, De musica verbali, est un témoignage unique dans l'histoire musicale du XVIe siècle, car il traite exclusivement et en détail d'une question que l'on sait fort complexe, la bonne déclamation dans la polyphonie à la Renaissance. Le second, De vera solfizationes docendæ ratione, est une méthode « facile et sûre » pour apprendre la solmisation et enfin le troisième, De modo, tempore, et prolatione, est un remaniement des travaux de Zarlino, Gaffurius et Glaréan sur les modus, tempus et prolatio.
Présentation de leurs règles
Les quatre théoriciens dont nous avons parler ont bien entendu les mêmes approches en ce qui concerne les règles de placement du texte et leurs applications. On peut cependant noter quelques subtilités associées à chaque auteur.
Si l'on fait un survole numérique des règles, on constate très rapidement que Stoquerus à voulu développer plus de points que ses prédécesseurs :
Nous avons voulu dans nos traductions, rester très proche du texte original tout en nous laissant la liberté de favoriser, par une syntaxe mieux appropriée, une lecture logique. Nous avons extrait les règles de Vicentino et Zarlino du texte général, elles étaient cependant déjà classées par numéro. Celles de Lanfranco et de Stoquerus sont présentées sous forme de points numérotés que nous avons conservés. Le traité de Stoquerus est beaucoup plus complet, car il développe, pour chaque proposition, un commentaire contenant explications et exceptions. Il nous était impossible de le traité en totalité pour ce travail, car le texte de Stoquerus est à lui seul une source d'étude exceptionnelle et complexe.
LES RÈGLES
Lanfranco Scintille di musica di Giovan Maria Lanfranco da terentio par megiano, Brescia, Lodovico Britannico, 1553, In-8, 60 fol., RISM Bvi1 p. 477.PARTE SECUNDA ; fol. 68-69
« Modo di mettere le parole sotto a i canti »
1- Maintenant vous devez savoir que les mots sont groupés dan
s la musique figurée 1, mais pas comme ils le sont dans le plain-chant. Dans ce dernier, leur groupement dépend du sens des mots, alors que dans le précédent il dépend de la considération de l'intention du contrepoint et de la nécessité d'avoir des pauses, bien que le compositeur doive faire coïncider les cadences et les divisions en général avec le sens et le groupement des mots.
«Or e da sapere, che le distinctioni delle parole si sanno nel canto Misurato : ma non come nel Fermo : perche in questo la distinctione si fa secondo la sentenza delle parole : & in quello, secondo che porta l'ordine del contrapunto, & la necessita delle Pause, benche il Compositore de avertire di far la cadenza, overo distintione generale secondo la sentenza, & distintione delle parole.»
2- Dans la musique mesurée, toute note séparée
(excepté presque toujours la semiminime) reçoit sa propre syllabe, comme dans le plain-chant. Mais en plain-chant, les syllabes ne sont placées que sous les notes carrées, excepté pour quelques cas où l'habitude prévaut dans l'interprétation des notes médiantes en proportion double, comme on peut le trouver dans les Credo et autres chants.
«Nel canto Misurato adunque ogni nota distinta (eccettuãdo quasi sempre la Semiminima) porta la sua sillaba, come fa quella del Fermo. Ma nel Fermo solemente sopra le quadre si pone la sillaba, eccetto alcuna volta : dove l'ufanza porta di mãdare le mezzane in Dupla proportione : come ne i Credo : & in altri canti si vede.»
3- Toute ligature, que ce soit dans le plain-chant ou q
ue ce soit dans la musique figurée, ne reçoit pas plus d'une syllabe, comme on l'a déjà dit.
«Et ogni legatura o del Fermo, o del Figurato non porta piu di una sillaba, come gia su detto.»
4- Un point dans la musique mesurée ne peut recevoir aucune syllabe car il ne peut être chanté, [...]
«Or il punto del Misurato canto non porta sopra se sillaba alcuna : perche esso non e cantabile, ne la sua forza fa opera in se stesso : ma nelle note si stende.»
5- Seulement à de rares occasions, il est de pratique de placer une syllabe sous la semiminime qui suit une minime pointée et sous la note blanche immédiatement après la dite semiminime.
«Et alla Semiminima, che segue la Minima col Punto, alcune rare volte si usa di dar la sillaba, & alla nota biãca : che alla detta Semiminima dopo viene.»
6- La semiminime en première position doit nécessairement recevoir sa propre syllabe, mais l'usage convenable exige de ne pas donner une syllabe aux notes médiantes, à la note finale, ou à la note blanche qui suit immédiatement la dernière semiminime. Il existe parfois une exception dans le style imitatif des chansons françaises.
«Et la Semiminima principiante di necessita porta la sua sillaba, ma ne a quelle di mezzo, ne a l'ultime di consuetudine bona mai non si la imitatione delle Canzoni Franzese.»
7- Les répétitions de mots n'apparaissent jamais dans le plain-chant,
cependant, elles peuvent être utilisées dans la musique mesurée lorsqu'il y a suffisamment de notes pour les recevoir.
«La replicatione delle parole nel Canto fermo non si fa mai : ma nel Figurato si fa : quando le note la possono portare.»
8- Mais lorsqu'il n'y a pas assez de notes, alors la syllabe pénultième du texte reçoit plusieurs notes jusqu'à la cadence et la dernière note prend la dernière syllabe du texte. Et c'est ce que l'on peut trouver dans le cas des messes et des motets, c'est pourquoy je ne parle ni des chansons françaises, ni des madrigaux.
«Ma quando non la portano : allhora si sta su la penultima sillaba tanto : che si arriva alla cadencia : o all' ultima nota cantabile, per darle l'ultima sillaba delle parole : Et cio sia detto inquãto alle Messe : & Motetti : Perche ne dell Canzoni Franzese : ne de Madrigali io non ne parlo.»
« Modo di prononciare le sillabe lunghe & brevi sotto le note »
«alcuni replicano le sillabe, et il nome della parola che non sia scritto»
2- Après une vocalise sur des semiminimes ou des fusæ, on ne doit pas dire de syllabe sous la première blanche qui suit immédiatement la noire, mais seulement sous la deuxième blanche : parce que cela produirait un barbarisme.
« che quando si correrà con una vocale sopra le semiminime, e sopra le crome ; che non si prosferisca la sillaba sopra la prima bianca doppò la nera subito, ma doppò la nera sopra la seconda bianca ; perche il procedere farà piu sicuro da barbarisimi»
3- Cette fois par nécessité, à l'approche d'une pause ou de la fin, il faudra sous deux minimes, prononcer (par besoin) une syllabe sous la seconde minime, ce ne sera pas une grande erreur.
«& se quals che volta per necesità appresso le pause, ò appresso il fine, che l'occorresse sotto due minime, pronuntiare una sillaba sotto la secunda minima (per bisogno) non farà grande errore»
4- Après une minime pointée, on peut dire une syllabe sur la noire qui la suit (ce ne sera pas une grande faute), mais en règle générale, il faut prononcer la syllabe sous la seconde blanche après les noires ascendantes et descendantes.
«ne anchora doppò una minima con un punto, se i
proferirà una sillaba sotto una nera seguente (non farà gran fallo) ma per regola generale si terrà l'ordine sopradetto, di pronuntiare cans tando la sillaba sopra la seconda bianca doppò le nere ascendenti & descendenti»
5- Quand le compositeur veut faire un saut d'octave, [...], si l'on place les syllabes d'un mot sous les notes du saut d'octave la prononciation n'est pas bonne parce que le saut est trop éloigné, sauf si c'est la syllabe d'un mot nouveau.
«che quando il Compositore vorrà saltare un salto di una ottavo, non si dè nel salto di quelle due note proferire una sillaba, della dittione nella nota di sotto ;
e unaltra sillaba nella nota disopra del salto, che tal pronuntia non fa buono udire, perche il salto è troppo lontano, ma si dè principiare il verbo, ò il nome, ò il participio, ò sia il pronome nel fine del salto»
Exemple fol. 87 :
Cap. XXIX f.86-86v
Zarlino Le istitutioni harmoniche di Gioseffo Zarlino da Chioggia, Venezia, 1558, In-4, 347 p., RISM Bvi2 p. 907.PARTE QUARTA ; pp. 421-422
« Il modo,che si hà da tenere, nel porre le figure cantabile sotto le parole. Cap 33. »
1- Placer toujours sous la syllabe longue ou brève, une figure qui convienne de façon à n'entendre aucun barbarisme.
«La Prima Regola adunque sarà, di porre sempre sotto la sillaba longa, o breve una figura convenien te, di maniera, che non si odi alcuno Barbarisimo»
2- Qu'à chaque ligature de plusieurs figures ou notes, dans le chant figuré, ne soit placée plus d'une syllabe et celle-ci sous la première note.
«La secunda regola è, che adogni Legatura a di più figure,
o note, sia posta nel canto figurato, o nel piano, non se le accommoda più di una sillaba nel principio.»
3- Qu'au point, qui se trouve près des figures dans le chant figuré, ne soit pas donnée de syllabe.
«La Terza, che al Punto, il qualsi pone vicino alle figure nel canto figurato, ancora che sia cantabile, non se gli accommoda sillaba alcuna.»
4- Qu'on prenne rarement l'habitude de placer la syllabe sur quelques semiminimes, ni au-dessus de figures moins importantes qu'elles, ni de la figure qui la suit immédiatement.
«La quarta, che rare volte si costuma di porre la sillaba sopra alcuna Semi minima ; ne sopra quelle figure, che sono minori di lei ; ne alla figura, che la segue immediatamente.»
5- Qu'aux figures qui suivent immédiatement les points de la semibrève et de la minime, lesquelles n'aient pas tant de valeur que les points, comme la semiminime après le point de la semibrève et la croche après le point de la minime : qu'on prenne l'habitude de ne les accompagner d'aucune syllabe : de la même façon pour celles qui suivent immédiatement de telles figures.
«La Quinta, che alle figure, che seguono immediatamente li Punti della Semibreve & della Minima, le quali non siano di tanto valore, quanto sono tali Punti ; si come la Semiminima dopo ilpunto della Semibreve, et la Chroma dopo il punto della Minima : non si costuma di accompagnarle alcuna sillaba : & cosi à quelle, che seguono immediatamente tali figure.»
6- Quand on placera la syllabe au dessus de la semiminime, quand
ce sera nécessaire, on pourra aussi placer une autre syllabe au dessus de la figure suivante.
«La Sesta, quando si porr à la sillaba sopra la semiminima, effendo bisogno, si potr à anco porre un' altra sillaba sopra la figura a seguente.»
7- Quelle que soit la valeur de la note, au commencement d'un chant ou au milieu après une pause, il est nécessaire de prononcer une syllabe.
«La Settima che qualunque figura sia qual si voglia, che sia posta nel principio della cantilena, o sia nel mezo dopo alcuna pausa, di neceßità porta seco la pronuntia di una sillaba.»
8- Dans le plain-chant, jamais de répétition de mot ou de syllabe ;
mais dans le figuré de telles répliques se tolèrent : pas seulement d'une syllabe ou d'une parole [mot] : mais d'une partie de l'oraison, quand le sentiment est parfait, cela peut se faire s'il y a des figures de quantité suffisante et qu'on puisse les répéter aisément, encore que les répétitions nombreuses d'une chose (à mon avis) ne soient pas ce qu'il y a de mieux, si ce n'était fait pour exprimer surtout les paroles qui contiennent quelque sentence importante et digne de considération.
«La ottava, Che nel Canto piano non si replica mai parola, o sillaba : ancora che si odino alle volte alcuni, che lo sanno ; cosa veramente biasimevole : ma nel figurato tali repliche si comportano ; non dico gia di una sillaba, ne de una parola : ma di alcuna parte della Oratione, quando il sentimento è perfetto ; & ciò si può fare quando vi sono figure in tanta quantità, che si poßino replicare commodamente ; ancora che il replicare tante fiate una cosa (secondo'l mio giudicio) non stia troppo bene ; se non fusse fatto, per isprimere maggiormente le parole,
che hanno in se qualche grave sentenza, & fusse degna di consideratione.»
9- Après avoir placé toutes les syllabes d'une période, ou dans une partie de l'oraison, aux figures chantables, quand il ne restera que la pénultième et la dernière syllabes, la syllabe pénultième pourra recevoir un certain nombre de figures mineures sous elle seulement si elle est longue et non brève, car si elle était brève, cela produirait un barbarisme.
«La nona, che dopo l havere accomodato tutte le sillabe, che si trovano in un Periodo, overo in una parte aella Oratione, alle figure cantabili ; quando rester à solamente la penultima sillaba & l'ultima ; tale penultima potrà havere alquante delle figure minori sotto di se ; come sono due, o tre, & altra quantità ; pur che la detta penultima sillaba sia longa & non breve : percioche se fusse breve, si verrebbe à commettere il Barbarismo»
«che si fa, quando sotto una sillaba si proferisce molto figure : ancora che essendo poste cotali figure in tal maniera, si faccia contra la Prima regola data.»
10- La dernière syllabe de l'oraison doit être placée sous la dernière note.
«La decima & Ultima regola è, che la sillaba ultima della Oratione dè terminare»
Stoquerus De musica verbali, c.1570, 40 fol., cons. à Madrid, BN, côte : Ms. 6486
«De regularum in necessaria & arbitrarias divisione. CAP. XI.», f.18.
fol. 19
1- Ne pas placer plus de syllabes sous un plus petit nombre de notes.
«1. Ne paucioribus notis plures syllabæ annumerentur.»
2- Le point fait valoir la même syllabe que la note.
«2. Punctum eamdem sibi cum nota sua syllabam vendicare.»
3- Toute ligature ne reçoit qu'une seule syllabe, attribuée à la première note et étendue à la ligature entière.
«3. Ligaturam quoque cum nisi una syllaba est, quæ primæ notæ attributa, in quasuis producenda est.»
4- Lors d'une succession de notes de même hauteur, chacune d'elle reçoit sa propre syllabe.
«4. Pluribus notis in uno eodemque loco positis cuique sua debetur syllaba.»
5- La première syllabe est attribuée à la première note et la dernière syllabe à la dernière note.
«5. Primæ notæ prima syllaba, ultimæ ultima cuiusque sententia assignanda est.»
«De Regulis antiquorum. CAP XIX.», fol. 27v.
[6]- 1- Toutes les syllabes pénultièmes ou antépénultièmes accentuées peuvent être attribuées à plusieurs semiminimes.
«1. Quo semiminimæ cuisuis penultimæ vel antepenultimæ, quæ accentum possidet, plures syllabæ addi possunt.» 2
[7]- 2- Une semiminime seule reçoit une syllabe ainsi que la note qui suit.
«2. Quod semiminimæ soli positæ plerunque syllaba adijcitur, & si semiminimæ etiam sequenti prima adenda est.»
[8]- 3- Si ces deux notes, minime ou semiminime, sont à la suite d'un point et que ce point est égal à leur valeur, elles ne recevrons aucune syllabe ainsi que la note qui suit immédiatement.
«3. Si punctum Minimæ vel Seminimæ sequantur duæ notæ, puncto simul sumpta æquivalentes, nulla ipsis separatim syllaba datur, & plerunque nec notæ, quæ illas immediate sequuntur 3.»
[9]- 4- Parfois deux minimes ou semiminimes ne reçoivent qu'une seule syllabe, elle est placée sous la première note et étendue au-delà de la seconde.
«4. Solet nonumquàm duabus Minimis, vel Semiminimis tanquam pluribus ultimæ una tribui syllaba, quæ priori addita in sequentem extenditur.»
[10]- 5- Plusieurs semiminimes en série ou des notes d'une plus petite valeur, ne reçoivent qu'une seule syllabe qui sera placée sous la première note.
«5. Semiminimis vel minoris valoris pluribus concurrentibus non ni si una syllaba, quæ primæ debetur, adijci solet.»
«De arbitarijs recentiorum regulis. CAP. XXVI.», fol. 36.
[11]- 1- Les minimes et les notes d'une valeur plus grande doivent recevoir une syllabe chacune.
«1. Minimæ & maioribus Minima singulis singulæ addenda sunt syllabæ.
[12]- 2- Les semiminimes ou les notes de valeur plus petite, ne reçoivent qu'une seule syllabe indépendamment du nombre.
«2. Semiminimis ijsque minoribus, quotquot sint, non nisi una tribuenda est syllaba.»
[13]- 3- La note qui suit immédiatement une série de semiminimes ou de fusæ conserve la
même syllabe quelque soit sa valeur.
«3. Notulæ quoque quæ Semiminimas vel Fusas immediate sequitur quanticumque sit valoris eadem cum ipsis Semiminimis Syllaba communis est.»
[14]- 4- La répétition de texte doit être évitée davantage lorsqu'il s'agit d'un mot que lorsqu'il s'agit d'une phrase.
«4. Repetitio textus fugienda est, magis autem verborum, quàm sententiarum.»
[15]- 5- Les notes courtes reçoivent des syllabes brèves, les notes longues des syllabes longues.
«5. Syllabis brevis notæ breves, longis longæ tribuendæ sunt.»
Commentaires
Nous allons procéder au commentaire global des différentes règles apportées par les théoriciens. Nous essaierons d'éclaircir chaque proposition, et lorsque c'est possible, d'assimiler au moyen d'abréviations 4 les règles concernées.
On peut observer deux discours musicaux. D'une part celui du plain-chant, d'autre part celui de la musique figurée. Le plain-chant évoque l'anastose entre le texte (phrase) et la musique.
Le groupement des mots étant une incise dans un rythme libre, on peut donc ici parler de repère rythmique et penser que la musique donne une identité sonore au texte. La musique figurée quant à elle, contrainte par l'ordre et l'écriture contrapuntique,
fait éclater l'union texte/musique ; l'incise perd son équilibre, la phrase devient moins évidente, un autre repère s'impose : la cadence.
L'accentuation : Vf ; Z1-Z9 ; S6-S15
L'accent qui affecte toujours les syllabes pénultième ou antépénultième d'un mot apparaît indifférent à la brièveté et à la longueur. Cependant, on peut parler d'élévation mélodique dans le mot. L'accent ne remonte jamais au-delà du proparoxyton, et il n'y a pas non plus d'oxyton en latin. L'accentuation devait céder devant l'usage, si celle-ci est approuvée par tout le monde, il fallait s'accommoder. Ce point d'interprétation nous impose de faire une distinction entre
mettre le mot en valeur en l'accentuant, et accentuer la syllabe, par le moyen du mélisme. Dans les deux cas on peut parler d'emphase sémantique.
Le point : L4 ; Z3 ; S2
Il est probable que les différentes fonctions du point dans la musique figurée n'étaient pas totalement assimilées par les musiciens. Ces derniers pouvaient en effet confondre le punctum, note mélodique de l'écriture du plain-chant 5, qui comme la virga reçoit une syllabe, et le punctum mora qui allonge la dernière note d'un groupe, ou encore les points de divisions ou d'augmentations.
Définition des points d'après Maximilian Guilliaud 6:
Poinct de Division, lequel estant mis entre deux notes, icelles n'augmente ne diminue, mais seulement les separe d'ensemble, conioignant l'une à sa precedente, & l'autre à sa suyvante en degrés parfaits ainsi.
Perfection, lequel estant mis prochainement apres sa notes, icelle semblablement n'augmente, ne diminue, mais seulement la conserve en sa perfection ainsi.
Augmentation ou d'addition, lequel estant mis sembleblement apres sa note, icelle ne divise ne conserve en perfection (car il ne se fait qu'en degrés imparfaits) mais l'augmente de la moitié ainsi.
On peut déduire des propos de Stoquerus 7 que l'interprétation du point pouvait être expressive, et donc supposer que dans la musique vocale le point était exprimé
par une diminution du son 8. On retrouve aussi cette pratique dans la technique instrumentale qui veut imiter la voix 9. Stoquerus fait cependant une extrême concession aux chanteur sur ce point : la séparation (chanter une syllabe) sera possible si et seulement si il n'y a aucune dissonance sous le point et si le chanteur est suffisamment expérimenté pour le faire.
Ligature : L3 ; Z2 ; S3
La ligature est un principe de groupement, c'est un signe, un repère visuel.
L'écriture par groupement dans le plain-chant donne naissance à la ligature implicite mais aussi figurée, l'espace graphique n'est-il pas la marque de la disjonction ? Malheureusement, cette écriture est un vestige du plain-chant et sa fonction n'est pas toujours
suivi par les chanteurs, Stoquerus blâme aussi les compositeurs qui n'utilisent pas les ligatures10. Il est clair que pour les copistes, alors que ce type d'écriture leur est recommandé, la ligature n'est qu'un gain de place, c'est aussi un raccourci de notation. Les chanteurs se permettaient alors de les séparer afin de placer deux syllabes lorsqu'il n'y avait pas assez de notes 11.
Exemple de ligatures simple :
Mélisme et groupements rythmiques :
a) (L8) ; Z9 ; S6 b) L5 ; V4 ; Z5 ; S7-S8 c) L6 ; V2 ; Z6 ; S9-S10-S12-S13
Il s'agit, là encore, de définir un espace visuel ou implicite comme définition d'un groupement (valeur rythmique supérieure à la semiminime - la proportion double engendre l'accélération du rythme). Dans le plain-chant l'exemple est éloquent, les groupements se traduisent par la liaison graphique ou ligature, par la succession des punctumlosangés, par le rapprochement de plusieurs groupes.
a) Il s'agit, comme on l'a déjà vu, de respecter les places de pénultième et antépénultième accentuées, afin de mieux vocaliser et, en dehors de ces cas, l'usage est de distribuer syllabiquement les notes le plus souvent possible.
b) Il apparaît dès la lecture de ce type de règle que la notion de tactus est constamment présente et se positionne comme la justification contrapuntique 12 de ces mélismes. Les différents schèmes que nous assimilons (a, b et c), se voient intimement liés par leur « groupement temps 13 » et leur emphase sémantique.
c) On peut définir la notion de seuil déclamatoire à partir de la minime (sauf exceptions), et Stoquerus parle même d'une évolution possible.
Ces règles doivent à l'évidence, être appliquées avec logique et toujours en adéquation avec le genre musical de l'oeuvre.
Il nous paraît curieux de remarquer la mention « à de rares occasions 14» chez Lanfranco, car ce mouvement syllabique est plutôt fréquent dans l'écriture polyphonique de la deuxième moitié du siècle 15:
Le style imitatif des chansons françaises permet de négliger cette règle.
a - motet 16
b - chanson française 17
TABLEAU RÉCAPITULATIF
Si des notes de même hauteur se succèdent, chacune d'elle reçoit une syllabe. Mais il faut penser qu'il existe un seuil de durée prosodique : la minime et exceptionnellement la semiminime.
Voici un exemple type pour la règle V4 :
Vicentino précise : « après les noires ascendantes et descendantes », ce qui signifie que, pour que la règle soit valable (à savoir, pas de syllabe sous les notes noires), il ne faut pas de notes de même hauteur. Les notes répétées et chantées sous une seule syllabe correspondent cependant à une figure d'ornementation ou de diminution que l'on trouve en particulier près des cadences de supérius chez les compositeurs de la génération de Josquin.
Cela nous rappelle aussi le procédé vocal de répercussion desdistrophas et tristrophas () que l'on trouve dans le plain-chant.
Les répétitions de texte : L7 ; V1 ; Z8 ; S14
On peut distinguer deux pratiques, celle des anciens et celle de modernes. Chez les anciens 18 il est parfois nécessaire de répéter le texte, car il a souvent trop de notes et pas assez de texte. La répétition verbale doit attirer l'attention sur une phrase plus importante («gravioris sententia») ou sur une voix («nel vocis») 19. Ces choix étaient faits par les chanteurs. Stoquerus compare la répétition verbale à un bégaiement si elle n'est pas justifiée par une volonté d'emphase sémantique, mais dans tous les cas elle est peu tolérée.
Chez les modernes, il est convenu de suivre les volontés de l'auteur (par conséquent, l'imprimé) et surtout le sens du texte. Cette règle s'adresse clairement aux chanteurs. Ils doivent littéralement respecter les syntagmes spécifiques à l'indication de répétition de texte comme «.ij.», « ß », etc.
Premières et dernières notes : L8 ; Vabcd ; Z7-Z10 ; S5
Si le discours musical s'arrête, le texte s'arrête aussi. Cela signifie entre autre qu'il ne faut pas commencer un chant sans prononcer de syllabe dès la première note, et ne pas le terminer avant d'avoir prononcer la dernière syllabe du texte. Le choix des élisions doit toujours rester un souci de bonne lecture prosodique.
CONCLUSION
On devra toujours appréhender l'oeuvre d'un compositeur qui nous parvient, comme un avatar en regard duquel on restera dubitatif. Nous devons tenir compte des manipulations interprétatives de circonstance que ces sources - manuscrits autographes, copies et imprimés - ont dû subir à leur époque. Les différences entre deux sources concernant la répartition des syllabes du texte d'une même oeuvre nous font envisager des lectures libres conformément au goût de l'entourage du moment, ou même, à la forma modulationis propre à chaque diocèse. C'est la raison pour laquelle nous considérons la pratique des chanteurs comme une véritable culture vocale. L'importance accordée au texte est en pleine évolution, c'est ce que l'on peut constater en observant l'attitude progressive de ces quelques théoriciens et aussi celles des imprimeurs et des compositeurs. C'est peut être là, le signe d'une appartenance, non plus au quadrivium, mais bien à l'humanisme qui se dévoile et s'impose.
Cette étude démontre que le rôle de chacun étaient mal défini dans un contexte que l'on devine fort complexe. L'approfondissement des différentes investigations, liées aux comportements des chanteurs, nous paraît aujourd'hui indispensable, voire prioritaire, et ceci afin de mieux cerner les pratiques en usage. La fréquentation assidue du répertoire nous donne la fragile impression que l'on peut soit même tenir un des rôles, mais la réalité se révéle souvent inaccessible. Nous sommes intimement convaincus que sans l'interprétation de l'esprit du compositeur en rapport avec le contexte sonore dont celui-ci devait être imprégné, nous ne pourrons jamais réellement conduire l'esthétique d'une oeuvre vers son authenticité.
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